Que vaut le nouveau Haruki Murakami ?

0
8



La Cité aux murs incertains se place sous le patronage d’un classique de la littérature fantastique : L’Étrange Histoire de Peter Schlemihl, publié par Adelbert von Chamisso en 1822, qui raconte comment un jeune homme vendit son ombre au diable, perdant son droit à l’amour.

La newsletter culture

Tous les mercredis à 16h

Recevez l’actualité culturelle de la semaine à ne pas manquer ainsi que les Enquêtes, décryptages, portraits, tendances…

Merci !
Votre inscription a bien été prise en compte avec l’adresse email :

Pour découvrir toutes nos autres newsletters, rendez-vous ici : MonCompte

En vous inscrivant, vous acceptez les conditions générales d’utilisations et notre politique de confidentialité.

L’amour et sa part de ténèbres, voici le cœur du nouveau Murakami, version allongée d’une nouvelle parue en 1980 qui obsédait l’écrivain « comme une petite arête coincée dans la gorge », écrit le nobélisable, auteur de plusieurs chefs-d’œuvre (La Balade de l’impossible, Kafka sur le rivage…). Le résultat est copieux : 560 pages déroulant l’histoire de personnages déchirés entre deux mondes, comme souvent chez Murakami – c’était déjà l’intrigue de 1 Q84.

À 17 ans, son narrateur tombe amoureux d’une jeune fille que l’on comprend dépressive. Les adolescents se réfugient, en pensée, dans une cité imaginaire cernée de murs immenses, puis la jeune fille s’évapore, laissant son amoureux incapable d’aimer. Parallèlement au récit de cet échec, Murakami raconte la vie de son narrateur, âgé d’une quarantaine d’années, à l’intérieur de la cité. Le temps est arrêté, les habitants sont coupés de leur ombre.

Cœurs brisés et êtres rétifs à la norme

« Ce n’est que lorsqu’on abandonne son ombre qu’on se rend compte qu’elle est nantie d’un certain poids », constate le narrateur. Mais est-on vraiment plus heureux sans sa part d’obscurité ? Dans la cité, l’homme occupe le métier de « liseur de rêves » en compagnie de la jeune fille, figée dans ses 16 ans. De temps en temps, il rend visite à son ombre, abandonnée à un gardien sévère. « La cité essaie de te garder ici. En utilisant toutes les tactiques possibles », geint-elle auprès de son possesseur, qui finira par regagner le monde des vivants.

À LIRE AUSSI Cinq livres pour les insomniaquesDédoublement de soi, onirisme, sentiment d’étrangeté : les ingrédients chers à Murakami sont présents dans ce roman, qui se divise en trois parties. La plus belle d’entre elles est la deuxième, qui place son narrateur vieillissant dans la région de Fukushima, en compagnie d’un spectre, d’une jeune femme solitaire et d’un adolescent autiste, lui-même candidat à la vie dans la « cité aux murs incertains », métaphore du repli sur soi des cœurs brisés et des êtres rétifs à la norme.

On y lit de très belles phrases, infusées de la poésie mélancolique de Murakami, qui dans ces pages est à son meilleur. Mais quelque chose dysfonctionne dans le livre. La sensualité est muselée, les rêves des protagonistes, ressorts narratifs un peu faciles, nous propulsent vers des mondes opaques, en compagnie d’êtres sans charisme. Le charme opère, mais il s’évapore parfois au profit de l’ennui – c’est trop long. Comme les chats, si chers à Murakami, La Cité aux murs incertains séduit, mais elle ronronne.


À Découvrir



Le Kangourou du jour

Répondre



« La Cité aux murs incertains », de Haruki Murakami, traduit du japonais par Hélène Morita et Tomoko Oono (Belfond, 560 p., 25 €).


LEAVE A REPLY

Please enter your comment!
Please enter your name here