Hiver à Sokcho, La Fille d’un grand amour, Bernie… Les films à voir cette semaine

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Une Coréenne se passionne pour un Français, un amour ressuscité entre Isabelle Carré et François Damiens, une comédie de 2010 jamais sortie en France… La sélection cinéma du Figaro.

Hiver à Sokcho – À voir

Drame de Koya Kamura  1 h 45

Limande-sole, seiche, poulpe ou fugu, mortel s’il n’est pas préparé dans les règles de l’art, le poisson est partout à Sokcho, ville côtière de l’extrême nord-est de la Corée du Sud, non loin de la frontière. Sur les étals du marché, où travaille la mère de Soo-ha. Dans les assiettes, préparées notamment dans les cuisines du modeste hôtel où Soo-ha est la seule employée. Autrefois, sa mère a aimé un Français, de passage à Sokcho. Il est le père de Soo-ha mais il ne l’a jamais su, rentré en France avant la grossesse. C’est du moins la version officielle. Ce père inconnu, Soo-ha a cherché à s’en rapprocher en étudiant le français. Et l’arrivée d’un Français lui donne l’occasion de parler cette langue étrangère et familière à la fois. 

Belle gueule, barbe de six jours, voix chaude, haute silhouette. Il compte séjourner quelques jours ou quelques semaines. Elle lui donne une chambre minuscule, monacale, dans l’annexe de la pension. Un trou dans la cloison lui permet d’observer ce voyageur solitaire aux doigts tachés d’encre. Google lui apprend qu’il est un artiste réputé, un peu en crise d’inspiration. Soo-ha délaisse son petit ami, obsédé par l’idée de quitter la grisaille de Sokcho pour rejoindre Séoul et mener une carrière de mannequin. Elle sert de guide à Kerrand dans la zone démilitarisée qui sépare les deux Corées, l’emmène dîner dans une gargote, lui montre comment tenir ses baguettes. Elle pourrait être sa fille. Ou sa petite amie. Kerrand, trop impoli, trop pressé, trop absorbé par son travail, se refuse à goûter les plats de Soo-ha. Même le bœuf bourguignon qu’elle lui mitonne refroidit sur son palier.

Koya Kamura filme avec une maturité impressionnante le lien fragile entre ces deux êtres. Les séquences animées d’Agnès Patron, échappées oniriques ou visions intérieures, représentent la plupart des femmes girondes, fesses charnues et seins opulents, sans qu’on sache si elles sont monstrueuses ou fantastiques. É. S.

La Fille D’un Grand Amour – À voir

Comédie dramatique d’Agnès De Sacy  1 h 34

Nous sommes en 1991. Cécile, la fille d’Yves et d’Ana, vient d’avoir 25 ans. Étudiante à la Fémis, elle doit rendre un film de fin d’étude sur le thème : « Filmer ses parents. » Divorcés depuis quinze ans, son père et sa mère lui ont toujours seriné « qu’elle était la fille d’un grand amour ». Les légendes familiales ont la vie dure. 

Consciencieuse, Cécile demande à sa mère et à son père, qui se sont mariés dans les années 1970, de se souvenir de leur première rencontre. Au départ, Ana se montre réticente, elle qui a refait sa vie en devenant antiquaire dans une charmante maison à la frontière franco-espagnole au pied des Pyrénées. « Il était très grand. L’imperméable était blanc. Il avait des yeux clairs », dit-elle. Yves s’avère plus enthousiaste. Notaire parisien en vue, engoncé dans sa vie quotidienne, il sourit à l’évocation de ce coup de foudre originel : « On s’est regardés. Et toc, il s’est passé quelque chose. » Lors d’une petite réception suivant la projection du court-métrage de leur fille, Yves et Ana se revoient furtivement. Ana, fuyante, esquive les retrouvailles. Troublée, apeurée, elle repart vite se réfugier dans sa propriété des Pyrénées. François Damiens a lui aussi ressenti la même chose. Le feu de cet amour passé continue de couver sous les braises. François Damiens refait le premier pas. Les anciens amants se revoient dans la maison d’Ana. 

On croit d’abord à une comédie de remariage, mais il n’en est rien. Quand ils se retrouvent, ces deux-là ne tardent pas à se disputer. Le couple évolue cahin-caha entre conflits et réconciliations. Le couple va oser se reformer envers et malgré le drame secret niché en son cœur. Ils verront ainsi renaître leur amour sous une autre forme.

Romance singulière bâtie sur un secret de famille douloureux, La Fille d’un grand amour s’impose en douceur, mais avec une poigne cinématographique évidente. Ce film rayonnant et nuancé souligne à chaque instant la complexité des relations humaines et la difficulté pour un couple de trouver la paix intérieure. O. D. 

Bernie – À voir

Comédie de Richard Linklater  1 h 36

Intriguant. Bernie, tourné en 2010, n’est jamais sorti dans les salles françaises. Il s’inspire de l’histoire vraie de Bernie Tiede, recruté comme embaumeur à Carthage, petite bourgade du Texas, dans les années 1990. Jack Black, fine moustache et brushing impeccable, campe ce croque-mort bon vivant, fervent chrétien, chanteur hors pair, bientôt adoré de toute la communauté. Même de Marjorie Nugent, riche veuve haïssable et odieuse. Bernie devient son confident, son compagnon de voyage, son gestionnaire de fortune, son factotum, puis son souffre-douleur. L’emprise de Nugent sur Bernie est sans limite. Et conduit le brave Bernie, peut-être pas si brave, à commettre l’irréparable. 

On n’en dira pas plus, sinon que Richard Linklater entrecoupe le récit de témoignages des proches et moins proches de Bernie. Voisine dans son rocking-chair, animateur de la radio locale, fermier adossé à son tracteur, chacun donne son point de vue, souvent contradictoire, sur la relation entre le thanatopracteur et la vieille bique capricieuse. L’avocat de la défense et le procureur. continuent de s’affronter hors des prétoires sur le cas Bernie Tiede. 
Sous ses airs de comédie noire, Bernie est aussi une lettre d’amour au Texas, terre natale de Linklater. Une lettre grinçante, mais d’amour quand même. É. S.

La Chambre d’à côté – À éviter

Comédie de Pedro Almodovar  1 h 47

Chez Almodovar, on agonise en se mettant sur son 31. C’est d’un chic. Martha et Ingrid ne s’étaient pas vues depuis longtemps. Elles travaillaient dans le même magazine. L’une était correspondante de guerre ; l’autre est devenue écrivain à la mode, une sorte de Susan Sontag sans mèche blanche. Atteinte d’un cancer, Martha demande à Ingrid d’être à ses côtés quand elle décidera de prendre le comprimé fatal qu’elle a acheté sur le dark web. Elle a loué une maison à la campagne. Quand la porte de sa chambre sera fermée, cela signifiera qu’elle a accompli le geste ultime. Les deux intellectuelles se rendent dans les environs de Woodstock. La villa est moderne, aseptisée. Est-ce que quelqu’un a jamais habité dedans ? Zut, la souffrante a oublié la fameuse pilule dans son appartement de Manhattan. Ah, ça n’est pas facile de dire adieu. Il va encore falloir qu’elle change de tenue. 

Tilda Swinton enfile un tailleur jaune et se passe du rouge à lèvres. Sur fond de violons tristes, Julianne Moore arbore des airs concernés, censés traduire le cas de conscience qui la taraude. D’un ton sentencieux, John Turturro s’inquiète de la montée de l’extrême droite et du réchauffement climatique. Pour se remettre du rendez-vous avec ce poseur, Ingrid va à son cours de gym. Hélas, il n’y aura rien entre elle et le coach, armoire à glace d’une santé insolente qui a un discours beaucoup plus terre à terre. Le soir, les deux femmes regardent la télévision, collées sur un canapé de designer. Pas question de tomber sur un bon vieux blockbuster. Même dans la dernière ligne droite, on ne mange pas de ce pain-là.
La Chambre d’à côté semble l’œuvre d’un cinéaste sous bromure, un film amidonné, froid, vaguement prétentieux, impersonnel comme un intérieur d’architecte. É. N.

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