On l’appelle la reine du polar suédois. Et pour cause : publiés dans plus de 60 pays, les romans de Camilla Läckberg se sont vendus à plus de 30 millions d’exemplaires dans le monde et ont fait l’objet de nombreuses adaptations télé. C’est le cas en France, où la série Erica, tirée de son cycle Erica Falk et Patrick Hedström, débarque sur TF1 ce lundi 6 janvier.
Portés par Julie de Bona et Grégory Fitoussi, ces six épisodes reprennent l’intrigue et l’atmosphère des premières enquêtes de cette héroïne, romancière et détective amateur à ses heures perdues, et de son policier de mari, relatées dans La Princesse des glaces, Le Prédicateur et Le Tailleur de pierre. Et si la série française se déroule dans une bourgade fictive de la côte atlantique et non à Fjällbacka, petit port de pêche suédois, elle se révèle fidèle, sinon à la lettre du moins à l’esprit de ces whodunits publiés dans l’Hexagone chez Actes Sud. Camilla Läckberg s’en est assurée, avec un désir assumé de tout explorer et contrôler.
Nous l’avons rencontrée au siège de TF1, à Paris, où la quinquagénaire resplendissante a tenu à accompagner la promotion de la série. Elle est elle-même suivie par des caméras, qui la filment dans le cadre d’un docu-réalité sur son quotidien en famille, façon Kardashian. Car en Suède, Camilla Läckberg est plus qu’une autrice à succès. Mariée à Simon Sköld, champion de MMA et coach sportif, cette mère de quatre enfants est aussi une femme d’affaires accomplie, à la tête de plusieurs sociétés, et une véritable célébrité, qui ne dédaigne pas les feux des projecteurs… Retour avec elle sur son parcours et ses projets.
Le Point : Quelle a été votre implication dans la série Erica ?Camilla Läckberg : Les producteurs ont eu la générosité de me laisser participer à l’ensemble du processus. Nous avons d’abord discuté sur leur vision de la série et sur ma contribution. Ensuite, j’ai lu tous les manuscrits et j’ai pu ajouter de petites notes du genre : « Erica ne ferait pas ci, ou agirait plutôt comme ça. » J’ai aussi été tenue informée du casting. Cela m’a permis de me sentir en confiance. Vous savez, cette héroïne, ces romans, ce sont mes bébés. Et les producteurs en sont les nounous !
La France est le deuxième marché le plus important pour vos romans. Il s’y est vendu quelque 5 millions d’exemplaires des enquêtes d’Erica. Que vous inspire ce chiffre ?
La France s’est intéressée à mes livres très tôt, avant même ceux de Stieg Larsson [l’auteur de Millenium, NDLR], ce qui est incroyable ! Depuis, c’est une véritable histoire d’amour. Beaucoup de touristes français viennent à Fjällbacka l’été pour participer aux visites guidées. Je suis moi-même amoureuse de la France, dont j’ai appris la langue à l’école.
Dans une autre vie, vous étiez économiste. Comment avez-vous commencé à écrire ?
J’ai en effet eu une autre carrière dans le monde des affaires. Mais depuis que je suis toute petite, je rêve de faire ce métier. Je lisais alors des tonnes de livres, à tel point que ma mère devait parfois m’obliger à aller jouer dehors ! À 26 ou 27 ans, j’ai suivi un cours d’écriture. Et j’ai commencé la rédaction de La Princesse des glaces en même temps.
Pourquoi avez-vous choisi le genre policier ?
Quand enfant, j’ai lu Mort sur le Nil d’Agatha Christie, je me suis dit que les polars étaient les meilleurs romans au monde ! C’est aussi à cette époque que j’ai commencé à dévorer les livres de Stephen King. Plus tard, j’ai continué avec des ouvrages de psychologie sur les tueurs en série et des livres sur les autopsies. Aujourd’hui encore, je regarde les émissions et les documentaires de true crime. J’ai toujours été fascinée par le côté obscur de l’être humain. Un bon psy aurait probablement des choses à dire à ce sujet (Elle rit). Mais j’en ai fait mon métier.
Comment tenez-vous le rythme d’un livre par an ?
Mes journées sont longues mais j’ai la chance de pouvoir travailler à la maison. Le matin, j’emmène mes enfants à l’école, puis je procrastine un peu. Je suis très douée pour cela. Ensuite, je commence à écrire et je continue jusqu’à ce que les enfants rentrent de l’école. C’est comme si j’allais au bureau, sauf que le bureau, c’est le coin de mon canapé.
Pas quoi commencez-vous la rédaction de vos romans ?
En général, j’ai d’abord l’idée d’un titre. Ensuite, je me demande pourquoi il s’appelle ainsi. C’est alors que l’histoire commence à se dévoiler. J’envie beaucoup mes collègues qui sont très organisés avec des pense-bêtes sur des tableaux qui dessinent l’architecture globale de leurs romans. Moi, je suis une écrivaine chaotique. Je commence par la première page, j’écris chronologiquement et j’invente au fur et à mesure. Je laisse l’histoire m’emmener de la première à la dernière page.
La Suède est l’un des pays les plus égalitaires au monde. Mais cela ne signifie pas pour autant que les femmes et les hommes y sont réellement égaux.
Outre Erica, vous avez donné vie à une autre héroïne, une femme d’affaires nommée Faye, à l’œuvre dans La Cage dorée et Des ailes d’argent. Vous ressemble-t-elle ?
Faye est la femme que je voudrais être ou que j’aimerais devenir parce que c’est une dure à cuire ! Elle est née de MeToo et m’a été inspirée par toutes ces femmes qui ont eu le courage de se manifester. J’écris toujours le livre qui correspond à l’endroit psychologique où je me trouve et sur les sujets qui me préoccupent à ce moment-là. Quand j’ai écrit ces romans, je réfléchissais au patriarcat et à la place des femmes dans le monde…
Vous avez d’ailleurs cofondé une compagnie d’investissements, Invest in Her, dédiée à leurs projets…
La Suède est l’un des pays les plus égalitaires au monde. Mais cela ne signifie pas pour autant que les femmes et les hommes y sont réellement égaux. J’essaie toujours de trouver des solutions concrètes pour résoudre les problèmes et cette compagnie est en une. J’ai aussi cocréé une clinique privée pour les femmes. Mais pour moi, le combat numéro un reste celui de la lutte contre les violences faites aux femmes. Elles sont très nombreuses, y compris en Suède…
Vous avez aussi participé à la version suédoise de Danse avec les stars, écrit une chanson, cofondé la société de production Bad Flamingo Studios… Comment vous décririez-vous ? Une star, une femme d’affaires, une autrice ?
Je suis un peu un mélange de tout ça. Je n’aime pas choisir dans tout ce que je fais. J’adore au contraire explorer différents univers. Les gens m’ont critiquée pour cela, mais, au fil des années, je pense que je les ai un peu usés. Aujourd’hui, plus personne ne réagit vraiment quand je tente quelque chose de nouveau.
Dans l’un de vos romans, L’Oiseau de mauvais augure, vous dénoncez les dangers des émissions de télé-réalité. Pourtant, vous participez actuellement à un docu-réalité qui vous suit dans votre quotidien…
Je suis fascinée par ce concept et je regarde beaucoup de shows de télé-réalité, comme The Real Housewives. Je suis fière de ma famille et je vois ce docu-réalité comme une chance de me montrer telle que je suis. Les gens ont une image de moi déformée, pensant que je suis toujours bien habillée, bien maquillée. Mais mon mari dit souvent que j’ai l’air d’une sans-abri quand je ne fais pas semblant d’être Camilla Läckberg (Elle sourit). Je veux montrer qu’il est possible d’être à la fois une femme d’affaires et une bonne mère. Pour le reste, je suis copropriétaire de la société qui réalise cette émission. Si on me demande de faire quelque chose qui ne me plaît pas, je m’y oppose.
L’idée originale de la série reste la mienne et je gardais donc toujours le dernier mot !
Quelle est la prochaine étape pour vous ?
Je suis en train d’écrire la nouvelle enquête d’Erica, dont le titre est Les Pleureuses. Il fait référence à une tradition russe et finlandaise : des femmes y sont recrutées pour pleurer lors des funérailles.
Erica et Faye sont toutes deux originaires de Fjällbacka. Pourraient-elles se croiser dans l’un de vos prochains romans ?
Je n’avais pas prévu qu’elles soient toutes les deux nées là-bas, comme moi. Il faut croire que tous les chemins mènent à Fjällbacka (Elle rit). Je n’ai pas encore pensé à écrire un crossover entre ces deux univers mais on ne sait jamais. Après tout, Fjällbacka est une petite ville et Erica et Faye se connaissent probablement ! En attendant, j’ai signé l’idée originale et coécrit le scénario de The Glass Dome, une série qui sortira sur Netflix au printemps. C’est une histoire de tueur en série. J’y reviens toujours (Elle sourit).
Avez-vous apprécié de collaborer avec des scénaristes au sein de l’atelier d’écriture ?
Beaucoup. C’est très amusant, à la façon d’un jeu. Nous avons parfois eu de grands débats avec les autres auteurs. Si l’un d’eux avait de meilleures propositions que moi, j’en étais heureuse. Dans le cas contraire, je campais sur mes positions. L’idée originale de la série reste la mienne et je gardais donc toujours le dernier mot !
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Ne seriez-vous pas une maniaque du contrôle ?
Totalement. Et c’est la raison pour laquelle cet exercice a été pour moi très stimulant. C’était un peu comme une thérapie. Je dois apprendre à « jouer » avec d’autres personnes.